Violence par armes à feu : « Montréal n’est pas sécuritaire » selon cette criminologue



Les jours se suivent et se ressemblent dans la région métropolitaine, alors que les fusillades surviennent presque tous les jours. Or, avec cette montée de la violence par armes à feu dans les rues, « Montréal n'est pas sécuritaire » selon la criminologue et sociologue Maria Mourani, créatrice de la première firme privée de criminologie au Québec.

« Actuellement, on peut le dire, on a à Montréal une guerre de gangs », lance d'emblée Mme Mourani en entrevue avec Narcity, qui avance qu'un début d'émergence est survenu dès l'automne 2020. « Ça s'est accentué cet été », a-t-elle poursuivi.


Conflits entre cliques

Bien que Montréal ne soit pas sécuritaire actuellement, elle l'est habituellement, précise Mme Mourani.

« Sauf que depuis cet été, ça ne va pas très bien », et c'est en partie en raison des conflits entre différentes cliques », explique l'experte.

Les affronts entre les Bloods et les Crips, ces deux grandes familles de gangs de rues montréalaises qui sont apparus vers la fin des années 1980, ne sont pas rares. Toutefois, il y a de plus en plus de conflits à l'intérieur même des familles de gangs de même allégeance.

Ces conflits entre clics dépassent les frontières de ces deux groupes, mais inclus aussi d'autres « gros joueurs », mentionne la criminologue, comme les motards, la mafia italienne et les Syndicats, un club-école crée par des OG, des Original Gangsters, dont le but est de « contrôler la rue et amener un certain équilibre entre les groupes pour qu'il n'y ait pas de guerres ».

« On peut se poser la question "qu'est-ce qui se passe ?", "que ce passe-t-il avec les gros joueurs ?" Comment se fait-il qu'il n'y ait pas d'accalmie ?" », se demande l'ancienne députée fédérale.

Instabilité au sein des gangs ?

Selon Mme Mourani, il y aurait une certaine instabilité chez les gros joueurs, donnant en exemple la mafia italienne de Montréal, qui n'a plus de parrain et qui n'est maintenant qu'un groupe de clans familiaux qui se partage le territoire.

« Ce sera intéressant de voir si ça va se calmer dans les prochains mois, affirme la criminologue. Si ça se calme, ça voudrait dire que les gros joueurs ont repris du terrain face à [aux gangs]. Sinon, ça veut dire qu'ils n'arrivent pas à contrôler le terrain ».

Pour y arriver, la police ne devrait pas mettre de pression sur les gangs de rues, car « ils s'en fichent ».

« Tant qu'on ne les tue pas, ils vont continuer », confirme-t-elle.

« Stratégiquement, ce serait d'en mettre sur les motards et la mafia pour qu'eux mettent de la pression sur les gars de gang. Ils sont plus efficaces [que la police] », ajoute Mourani en riant.

La pandémie et l'essor de la violence

Bien qu'il n'y ait pas encore de données fiables pour pouvoir affirmer que oui, la pandémie a bel et bien eu un effet sur la résurgence de la violence entre gangs, Maria Mourani mentionne que c'est possible.

Elle cite en exemple les bars et restaurants qui ont dû être fermés en raison des confinements imposés par la santé publique, faisant en sorte que « tous les lieux où ces gars vendent leurs stocks » étaient inaccessibles.

« Ils ont du "réinventer" des façons de faire, que ce soit des livraisons à domicile [ou] des ventes sur le web », poursuit-elle.

Un problème de vision à long terme

Mme Mourani trouve « déplorable » le fait que les différents paliers gouvernementaux réagissent seulement lorsque les villes sont « au bout du continuum, qu'il y ait des fusillades [et] qu'il y ait des citoyens qui se font tirer [dessus] par inadvertance » pour agir.

Le problème, c'est le manque de vision à long terme en sécurité publique », martèle la présidente de Mourani-Criminologie, rappelant la dissolution en 2019 de l'escouade Éclipse du Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM), qui était formée de spécialistes en crime organisé.

Selon Mme Mourani, acquérir une arme à feu est « extrêmement facile » au Canada, alors que 80 % d'entre elles proviennent des États-Unis.

La Ville de Montréal a d'ailleurs annoncé le 29 août dernier qu'elle injectera 5,5 millions de dollars dans le budget du SPVM pour lutter contre cette vague de crimes.

Toutefois, Maria Mourani prêche surtout en faveur d'un financement en prévention, tant au niveau citoyen qu'au sein des corps policiers de la province.

« Ça fait des années qu'on le répète, c'est la prévention qui est le moteur de tout. Si on agit au niveau des jeunes dès le départ, on va fermer le robinet qui, au fond, ne fait que couler et permettre aux membres de gangs d'avoir un terreau fertile de recrutement », lance-t-elle.

La photo de couverture est utilisée à titre indicatif seulement.


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